Depuis ce samedi 14 novembre 2015, Anne Godin est devenue la toute 1ère Femme Francophone de Belgique à accéder au grade de 6ème Dan de Taekwondo. Cet événement se doit d’être mis à l’honneur par cette interview afin de découvrir qui se cache derrière cette discrète Dame de 47 ans. Les propos sont recueillis par Daniel Dupont (Commission des relations publiques)
Bonjour Anne, pourrais-tu nous présenter ton parcours sportif?
J’ai commencé le taekwondo en 1994 à l’âge de 26 ans un peu par hasard dans le club “Rudy’s Taekwondo Academy” dirigé par Rudy Duperrois et j’ai tout de suite aimé le coté martial de ce sport.
Suite à la fermeture du club de Rudy en 2001, je me suis entrainée chez Nicolas Danneau “TKD La Source” et depuis 2005 chez Alain-J Decamps “To San AJD Jurbise”.
Je gère aussi mes 2 clubs de self défense féminine (Hosinschul Anne’s Academy Mons et Self défense Soignies).
En chiffres et en dates cela donne ceci :
1Dan (2000), 2Dan (2001), 3Dan (2003), 4Dan (2006), 5Dan (2010), 6Dan (2015), arbitrage combat (1995), Cours généraux N3 ADEPS (2003), niveau 2 ADEPS (2008), 120 stages (depuis 1994), mérite sportif de la Ville de Soignies (2010).
Durant toutes ces années j’ai été amenée à participer à de nombreux stages, séminaires, recyclages, formations et des milliers d’heures d’entraînement et des litres de sueur.
J’ai eu la chance de côtoyer de nombreux maîtres (ils seraient trop nombreux à nommer ici) mais aussi et surtout j’ai rencontré des ami(e)s qui ont su me guider, me donner l’envie d’avoir envie et ranimer ma flamme quand elle faiblissait.
En tant qu’athlète féminin, as-tu rencontré des difficultés particulières ?
Je trouve que le taekwondo est une discipline très ouverte avec un bon état d’esprit. Depuis mes débuts, j’ai toujours voulu montrer que j’étais aussi capable qu’un homme dans ma pratique. C’est pourquoi, j’ai beaucoup travaillé pour ne pas être en reste. Jamais je n’ai rencontré de difficultés en tant que femme au contraire, j’ai toujours reçu un bon accueil. Lors des stages, séminaires ou toutes autres manifestations, j’ai côtoyé et rencontré des personnes formidables et passionnées. Ces diverses rencontres restent enrichissantes au point de vue humain et sportif.
Les pratiquants de taekwondo ne sont pas des machos même si quelques rares cas existent, ce qui permet de confirmer la règle grâce à l’exception. Lorsque j’ai commencé le taekwondo, j’étais la seule femme d’un groupe de 15 hommes et cela durant quelques années et j’y ai trouvé ma place rapidement.
Homme ou femme, je pense que chacun d’entre nous, trouvent son « compte » dans la pratique du taekwondo !
En tant que femme, penses-tu avoir une approche différente du sport, de l’enseignement ?
Pour ce qui concerne l’enseignement et en tant que femme, je pense que nous avons un avantage sur la gente masculine. Il me semble que nous sommes plus à l’écoute des gens. Pour ma part, j’aime m’occuper des enfants qui débutent. Ils sont enthousiastes de ce qu’ils découvrent et ils doivent apprendre à se gérer. D’un autre point de vue, je suis toujours partante pour un passage de grade haut gradé. Cela me motive de me mettre à la disposition d’un/d’une partenaire afin qu’il/qu’elle puisse passer un grade supérieur. Cela me permet de me remettre en question et surtout cela m’oblige à pousser mes limites un peu plus loin.
Certaines mamans entraîneurs possèdent probablement un atout majeur auprès des enfants et ce, d’un point de vue pédagogique (mais cela n’engage que moi !). Pour ma part, je désire laisser les élèves s’exprimer et j’essaye d’adapter mon enseignement à leurs besoins.
Par contre, faire une différence entre homme et femme lors d’un entraînement, c’est inconcevable ! Je n’ai pas d’approche différente par rapport à ces critères puisque nous avons notre place à part égale.
Penses-tu avoir des « compétences » particulières ?
Ce serait bien prétentieux de ma part de dire que je possède des compétences particulières. Peut-être « le perfectionnisme », mais je ne sais pas s’il faut le prendre pour une compétence ou un défaut. Je suis également très déterminée lorsque j’entreprends de m’entraîner pour une ceinture supérieure. Le challenge reste un bon leitmotiv personnel. J’essaie de m’améliorer, de participer à des stages, faire du jogging,… On peut dire que c’est le côté positif de la préparation, mais le côté négatif, c’est probablement le fait de ressentir une insatisfaction perpétuelle de mon travail. Tout ce que je sais, c’est que le taekwondo est plus qu’un sport, c’est une passion dans le vrai sens du terme. Il me sert dans ma vie de tous les jours !
Penses-tu susciter une « admiration » particulière ? Quelles sont les réactions de personnes extérieures au taekwondo ?
Je suis discrète sur ma pratique et sur mon niveau de taekwondo. Seule ma famille proche et quelques amis sont au courant que je suis ceinture noire.
J’ai bien tenté une approche auprès de certains esprits profanes, mais dès qu’ils apprennent que je suis de surcroît 6ème Dan, ils sont surpris du point de vue de mon gabarit surtout et de mon âge.
Penses-tu qu’il faille promouvoir plus le taekwondo auprès d’un public féminin ? Et comment ?
Nous avons la chance de pratiquer une discipline qui est à la fois sport de combat et art martial. Le taekwondo évolue avec la société, c’est ce qui fait sa force. C’est pourquoi il s’inscrit dans un processus de modernité. L’ABFT fait beaucoup pour la promotion du taekwondo en Belgique et également au niveau international.
Les femmes qui pratiquent le taekwondo apprécient les stages hosinshul qui sont organisés durant la saison sportive. C’est toujours important de savoir se défendre en cas d’agression. Il faut aussi noter que certaines femmes ne veulent pas forcément mettre un plastron et un casque et se taper dessus. Elles suivent les cours pour se tenir en forme et faire de ce sport un atout en cas d’agression.
Une campagne publicitaire sur le taekwondo qui ciblerait un public féminin serait l’idéal. Je pense qu’il faut parler du taekwondo aux filles qui sont intéressées par les sports de combat. Il faut leur montrer que c’est un sport dynamique, technique,…. Le cliché du combat pur et dur reste tenace ! Dans mon cas, elles sont surprises de voir une femme enseignante haut gradée. Elles s’attendent plutôt au stéréotype du « mâle super musclé ».
Je parle souvent avec des mamans qui aimeraient participer à un cours de taekwondo, mais elles sont encore réticentes. J’en ai convertie certaines qui ont décidé de franchir le pas en tentant quelques cours de self défense et puis finalement elles se disent qu’elles sont capables de suivre un cours de taekwondo et l’aventure commence ! J’espère pouvoir en convertir encore un grand nombre !
Les réseaux sociaux, les clubs, les médias locaux ou nationaux restent nos meilleurs alliés pour la promotion de ce sport.
En conclusion, je pense que les pratiquantes de tous les clubs sont les meilleures ambassadrices pour faire changer les mentalités.
Comment s’est passé ton examen 6ème Dan ?
Comme toujours, le jury est très professionnel et des plus compétents de par leurs propres expériences de hauts gradés.
Avec ma préparation (physique, mentale et technique) que je m’étais imposée, je suis arrivée très confiante à l’examen sachant que rien n’est jamais acquis.
Après m’être donnée au maximum, la réussite fut au rendez-vous.
Ta devise sportive ?
Un bon coach permet à des gens ordinaires d’atteindre des résultats extraordinaires.
Un dernier mot ?
Je souhaiterai dédier ce 6ème Dan à toutes les femmes qui chaque jour s’entraînent dans les divers clubs du pays et aussi à travers le monde !
J’adresse mes plus vifs remerciements à :
- Mes Entraîneurs : Alain-J Decamps (celui qui a su me guider vers mes plus belles réussites) ainsi que Christian Normand et Michel Lhoir et sans oublier Rudy Duperrois (sans qui rien n’aurait commencé).
- Mes Partenaires : Rabia Benbakoura, Evelyne Coustry, Gwenaël & Pasqual Burion, Florian Delain, Lionel Urbain, … qui m’ont supportés.
- Aux Femmes : Tiphaine Bierlaire, Nadine Huissemans, Jennifer Dupont, Aurélia Levacq, Kristelle Warnon, …qui m’ont aidées et encouragées durant ces longs mois (1 an) de préparation.
Rendez-vous dans 6 ans pour mon 7ème Dan.
Anne Godin, 6ème DAN
Propos recueillis par Daniel Dupont (CRP)